lundi 13 avril 2020

Jour 28


J’ai mal dormi parce que je sens arriver une prolongation du confinement. Mais comme je suis un génie, j’ai tenu le raisonnement suivant : comme on est immunisé une fois guéri, il faudrait qu’on puisse tomber malade mais pas gravement, avec une version soft du virus, et hop après on reprend sa vie normale. J’ai donc inventé le vaccin. D’ailleurs quand on y pense, ça vient de la vaccine, qui est une maladie d’animal aussi, de vache.
En tout cas, la perspective de confiner jusqu’à l’été me donne le frisson. Déjà les arbres du boulevard n’ont plus de fleurs. Ils ont des feuilles par contre.
Pendant ce temps, certaines entreprises vont reprendre le travail en Italie et en Espagne.
Je rage de ne pouvoir rien faire. Comment aider les soignants, les PME qui risquent de calancher, comment me sentir utile ? Loger du monde, prêter un vélo, faire triompher le bien ?

Le ministre de l’intérieur anglais refuse de faire venir des enfants des camps de migrants en Grèce, alors que des familles d’accueil sont identifiées. Ça va nous péter à la gueule, ces camps.
Globalement c’est immonde ce qu’on fait aux migrants, de les stocker chez le taré de Turquie ou de les entasser dans des camps, dans un pays qui n’a plus un rond depuis mille ans. C’est pas ça l’Europe, dans mes rêves.

Ce soir, télé-Manu. Le costard bleu pétrole, la voix posée, les yeux bleus, la nation au cœur, c’est émouvant. Ce qui est émouvant surtout, c’est le décor : peinture rose avec dorures à fleufleurs. Il confine chez Barbie, Manu. Bon il a quand même apporté son drapeau de la coupe du monde et celui de l’Europe pour se sentir chez lui.
En attendant, voilà ce qu’on mange : on continue pareil jusqu’au 11 mai, soit encore quatre semaines, ce qui nous fera huit au total. On est tout juste à mi-chemin. Allez, ça va le faire.
Les malades chroniques et les papys, par contre ça sera plus long.
Pour les autres, à partir du 11 mai, on déconfine progressivement. Moi j’entends toooout dooooucement. Les djeunz retournent au bahut à un élève par classe, mais pas les étudiants qui n’ont qu’à manger des tutos aux hadrons sur internet.
Certains retournent au boulot, d'autres non.
D’après ce que je comprends, le 11 mai ça risque fort d’être tests, masques, distance de sécurité, et quarantaine pour les pas-de-bol. Donc ça va déconfiner mais pas trop quand même.
A propos de tests, les pays qui s'en sortent testent à grande échelle. Mais Manu a dit qu’on testerait ceux qui en ont besoin. Avec une maladie souvent invisible, c’est pas la bonne voie. On verra.
En tout cas, je fais une croix sur mon défouloir-tatami jusqu’à septembre. Je ne serai pas 3e dan pour l’été, la louze. Et je ne serai pas un sage oriental, fluide et puissant comme le mouvement de l’eau qui dort. Et je vais vite en avoir marre de courir, hamster dans ma roue d’un kilomètre.
Enfin, c’est bête à dire mais ça fait un bien fou d’avoir une date. Ça a beau être loin, on voit la ligne d’arrivée. On pourra peut-être même un jour se boire une bière en terrasse ou se faire des moules-frites au bord de la Loire en soirée. Ah oui mais pas en mai, les bars restent fermés. Peut-être mi-juillet.
Après, tout ça c’est sauf imprévu, évidemment. Par exemple une épidémie de grippe lol.

Il finit en citant la déclaration d’impôts des droits de l’homme : les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. Autrement dit, c’est pas normal que les aides-soignantes soient mal payées. Manu mon ami, tu as profité du confinement pour lire le bouquin sur les bullshit jobs ! Chez Barbie, il faut bien s’occuper.


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