dimanche 23 novembre 2014

Nous sommes tous des clés USB

        En 2012, on réussit à stocker de l’information sur ADN, en substituant le code des molécules ATCG aux 0 et 1. Après une quinzaine d’années de tâtonnements, le procédé industriel fut au point. On put alors stocker la BNF dans un grain de poussière.
        Mais entre-temps la quantité d’informations disponibles avait explosé : l’Internet participatif et l'épidémie d'addiction à l'enregistrement avaient lancé un véritable raz-de-marée sur la planète. Le réchauffement climatique aidant, les fermes de serveurs ne pouvaient plus se refroidir et se trouvèrent complètement dépassées.
        Chacun fut donc mis à contribution : la persopuce qu’on portait désormais sous la peau avec son dossier médical et son abonnement de bus dut accueillir une partie de la bibliothèque mondiale. Bien entendu, pour des raisons éthiques, des conditions draconiennes de dispersion et d’anonymat furent imposées. Malgré tout, on hurla à la location des corps, les pacifistes ne voulurent pas porter d’informations à usage militaire et certains naturistes radicaux, refusant le principe même de l’écriture, menacèrent de s’écorcher vifs. Pourtant, les autorités furent inflexibles : c’était indispensable au fonctionnement fluide du cybiocerveau planétaire
        D'autres rirent beaucoup en pensant aux performances de conservation de l’ADN : quelle tête feront les archéologues des années 30 000 quand ils trouveront, dans des carcasses antiques, des scènes de Roméo et Juliette en hittite, des modèles de grille-pains pour impression 3D et des sex-tapes de calamars ? 

mercredi 12 novembre 2014

samedi 8 novembre 2014

L'homme augmenté

        Oscar Pistorius fut un pionnier : ce fut le premier homme à devenir plus performant grâce à des prothèses. Malgré ses déboires avec la justice, il ouvrit une voie dans laquelle beaucoup d’autres s’engouffrèrent bientôt. En particulier, la miniaturisation aidant, dès les années 2030 tout le monde avait le phone greffé à l’oreille, au sens propre du terme. Là encore, la sonde cérébrale était bien pratique pour fouiller rapidement son carnet d’adresse.
        D’autres furent plus créatifs : prenant modèle sur les requins, les adeptes de hockey subaquatique se firent greffer un ruban électrosensible sur les flancs, afin de mieux percevoir les impulsions électriques dans les muscles de leurs adversaires. Cette innovation, conjuguée à l’invention des branchies amovibles, rendit ce sport beaucoup plus populaire, au point d’en faire une discipline olympique. Malheureusement, le monopalme mécanique, très spectaculaire, fut interdit par les pisse-froid du comité olympique par peur des accidents.
        Pendant ce temps les amputations volontaires se multipliaient. De tristes sires se désolaient, déclarant qu’on crachait à la face de Mère Nature et que s’ouvrait l’ère des monstres. Ce à quoi les prothètes, menés par le philosophe Bernabé Fakebum, rétorquaient que l’homme étaient prothésé depuis son premier outil. Et ils inventaient de nouveaux dispositifs ludico-sexuels inspirés des céphalopodes.

lundi 3 novembre 2014

Les bopowap

        Le Grand Court-Jus eut lieu en 2029. Les coups de boutoir du changement climatique, conjugués aux contraintes pesant sur les ressources fossiles et au développement rapide des véhicules électriques, firent sauter le réseau australien, puis, par effet domino, la plupart des grands réseaux électriques du monde.
        Comme le dit justement Ernestino Hulki, alors PDG du groupe Solareva-BP : « On est en slip ». Mais personne ne l’entendit car Internet n’était plus qu’une toile d’araignée morte. Sur le modèle de Fukushima en 2011, les centrales nucléaires sautèrent une à une, balayant la civilisation d’une grande partie de l’Europe. L’Islande devint le plus grand foyer de culture à l’Ouest de l’Oural.
        En Inde aussi, les centrales sautèrent mais comme elles étaient relativement peu nombreuses, la majeure partie du sous-continent resta indemne. Ce fut même une opportunité unique pour les Etats du Sud de la péninsule: ils  se trouvèrent d'un coup au centre de toutes les convoitises, du fait de leur maîtrise des bopowap (body powa appliances), appareils à picovolts alimentés par l’électricité résiduelle des muscles. La morosité ambiante aidant, le string-gyrophare fut un énorme succès dans les night-clubs de l’Asie méridionale. C’est grâce à ce type d’innovation à haute valeur ajoutée que la Tamil Confed devint la puissance mondiale que nous connaissons, capable désormais de tenir tête au Brasiu Granji et au Beidongguo.