jeudi 18 décembre 2014

Hector le CD-rom


Hector s’inquiète pour l’avenir. Le rythme des innovations informatiques est effréné, et il peine à suivre. Il se souvient de ses jeunes années, de son arrivée triomphante sur les marchés, la galette irisée, nouvel horizon numérique multipliant les capacités de stockage par cent. Quelle satisfaction de détrôner les vieilles badernes, de donner au monde toute la mesure de son immense capacité ! Les disquettes n’avaient jamais été aussi floppy. Mais la lune de miel n’a pas duré. Le DVD, ce vilain arriviste, s’est radiné au bout de quelques années, ringardisant Hector et ses semblables. Si on continuait de faire appel à eux, c’était surtout pour vider les tiroirs. Puis les clés USB lancèrent un nouvel assaut. Ha ! Hector observa avec plaisir la stupéfaction des DVD de se voir dépassés à leur tour. La roue tourne, ricanait-il. Puis ce fut l’avènement des disques durs externes. Les DDE, quel sigle ridicule, alors que CD-rom, c’était chic, avec deux initiales nettes, et le suffixe plus doux, presque latin ! Désormais on parle de cloud et Hector se sent dépassé. Ça doit être l’âge. Il s’inquiète vaguement pour son état de conservation : alors qu’il a toujours eu une excellente mémoire, certains souvenirs commencent à s’effacer.


jeudi 11 décembre 2014

Les chimères sont parmi nous.

        A partir de 2013, l'hypothèse commença à se répandre parmi les biologistes. Au début, le pouvoir tenta d'étouffer la rumeur. Certains grands scientifiques disparurent mystérieusement à cette époque, on fit même croire à la mort naturelle d'Albert Jacquard. Mais ce fut peine perdue et l'information finit par filtrer : beaucoup d'humains sont des chimères, portant plusieurs ADN différents. De nombreuses mères en particulier portent celui de leurs enfants en plus du leur.
          Quand Ségolène Royal fit son coming-out sur le sujet, on n'y fit pas trop attention. Mais d'autres célébrités suivirent, dont, pour certaines, on doutait qu'elles eussent même un seul ADN complet. Finalement l'idée fut largement relayée par la presse.
        Ce fut un cataclysme. Si chacun pouvait porter plusieurs ADN, la médecine légale perdait un de ses outils d'identification les plus fiables : la diffusion de la série « Les experts » fut stoppée net dans un gigantesque scandale, au motif que ça n'était « plus crédible ». Des centaines de prisonniers virent leurs dossiers rouverts, ce qui acheva d'engorger le système judiciaire.
        Mais surtout, la découverte acheva de brouiller l'identité : si nous gardons en nous un peu de notre mère, si les deux kilos de microbes que nous avons dans le ventre font partie de nous, si nous portons des prothèses sous la peau, l'humain ne colle plus à l'image simple d'un sac étanche dont le mode d'emploi est enregistré sur ADN.
        Que sommes-nous alors ? Une ville avec des entrées et des sorties, des bouchons et des espaces verts, des glissements de terrain et des zones industrielles ? Un biotope avec des centaines d'espèces, comme un paysage de moyenne montagne ? Un métaréseau chimio-électro-psychologique ?
        Le penseur prothète Bernabé Fakebum résuma ces doutes dans sa légendaire formule : « La seule certitude désormais, c'est que l'humain est une construction bioculturelle. »


vendredi 5 décembre 2014

La mégapole intestinale

En 2013 on réalisa la première greffe de microbiote. Une patiente avait l'intestin envahi par une bactérie virulente, qui mettait sa vie en danger. Les médecins décidèrent donc d'exterminer toute forme de vie dans le tube digestif à l'aide d'un puissant traitement antibiotique, puis de réinstaller dans l'intestin une population microbienne équilibrée. Concrètement, la patiente reçut une greffe de merde par sonde nasale. Sa bru fit le don de bon cœur.
L'opération fut couronnée de succès et, après quelques années, la pratique se répandit sur toute la planète. En parallèle, les progrès des analyses biologiques massives aidèrent à mieux comprendre la composition et le fonctionnement de la mégapole microbienne que chaque humain porte en lui. On put même commencer à la façonner.
Des chercheurs islandais prélevèrent notamment des microbes dans la panse d'animaux réputés pour leurs performances digestives, vaches, vers, phasmes, et les administrèrent à des patients incurables, à titre d'essai de la dernière chance. Les résultats dépassèrent leurs espérances : non content de sauver les patients, le procédé fit émerger de nouvelles capacités. Le mot « omnivore » prit tout son sens : grâce à ces progrès, il devint possible de se nourrir de terre, de déchets bruts, d'eau de mer. La faim dans le monde recula, et la pollution aussi.
Cependant, il y eut quelques surprises, du fait de transferts de gènes inattendus entre ces nouveaux microbes et les greffés. Ainsi, la moitié de la population islandaise mourut mystérieusement pendant l'hiver 2032, jusqu'à ce qu'on comprenne qu'il s'agissait de la roséole du lombric. En contrepartie, la nouvelle digestion longue des herbacées, calquée sur celle des bovins, donna lieu à d'abondantes flatulences riches en méthane, grâce à quoi l'Islande devint un poids lourd de la production énergétique mondiale.


mardi 2 décembre 2014

Trop de plaisir tue le plaisir.

        Le début du XXIe siècle connut une terrible épidémie d'obésité : jamais l'homme n'avait connu une telle abondance de nourriture. Les gouvernements européens, tentant de sauver leurs systèmes de santé, réformèrent l'étiquetage des aliments en vue de sensibiliser les consommateurs aux dangers de la malbouffe. On décida d'afficher de façon uniforme le contenu des aliments en sucre, sel et graisses. Dans un élan de marketing public, on inventa le SaSuFaSU, pour Salt-Sugar-Fat Standardized Unit (noté : ). 
        L'initiative fut un flop, au même titre que les mini-vidéos trash qu'on voyait désormais sur les paquets de cigarettes. Le mot sasufasu resta cependant pour qualifier quelque chose d'immédiatement plaisant, à tel point que les jeunes commencèrent à appeler ainsi les jolies filles dans la rue. Puis Bollywood sortit une comédie musicale de quatre heures intitulée Sasufasu love love, qui eut un succès planétaire.
         Entre-temps, les syndicats professionnels s'étaient emparés du concept et s'étaient mis d'accord sur une échelle unifiée du plaisir ressenti à la consommation ; rapidement, le sasufasu s'imposa comme unité de mesure. Bientôt, des petits malins l'affichèrent sur leurs produits. Cela déclencha une violente guerre commerciale, où la surenchère devint la norme : tel scooter affichait 1000 Ṩ, telle voiture 10.000 Ṩ. On passa ainsi rapidement du sasufasu (ou sasuf, dans le langage courant) au kilosasuf. Vers 2025, la mise au point des prothèses sexuelles fit sauter le compteur jusqu'au mégasasuf. Et quand on brancha les prothèses sexuelles sur les sondes cérébrales, on explosa le gigasasuf.
        C'est là que commença l'épidémie d'accidents vasculaires rachidio-cérébraux.

dimanche 23 novembre 2014

Nous sommes tous des clés USB

        En 2012, on réussit à stocker de l’information sur ADN, en substituant le code des molécules ATCG aux 0 et 1. Après une quinzaine d’années de tâtonnements, le procédé industriel fut au point. On put alors stocker la BNF dans un grain de poussière.
        Mais entre-temps la quantité d’informations disponibles avait explosé : l’Internet participatif et l'épidémie d'addiction à l'enregistrement avaient lancé un véritable raz-de-marée sur la planète. Le réchauffement climatique aidant, les fermes de serveurs ne pouvaient plus se refroidir et se trouvèrent complètement dépassées.
        Chacun fut donc mis à contribution : la persopuce qu’on portait désormais sous la peau avec son dossier médical et son abonnement de bus dut accueillir une partie de la bibliothèque mondiale. Bien entendu, pour des raisons éthiques, des conditions draconiennes de dispersion et d’anonymat furent imposées. Malgré tout, on hurla à la location des corps, les pacifistes ne voulurent pas porter d’informations à usage militaire et certains naturistes radicaux, refusant le principe même de l’écriture, menacèrent de s’écorcher vifs. Pourtant, les autorités furent inflexibles : c’était indispensable au fonctionnement fluide du cybiocerveau planétaire
        D'autres rirent beaucoup en pensant aux performances de conservation de l’ADN : quelle tête feront les archéologues des années 30 000 quand ils trouveront, dans des carcasses antiques, des scènes de Roméo et Juliette en hittite, des modèles de grille-pains pour impression 3D et des sex-tapes de calamars ? 

mercredi 12 novembre 2014

samedi 8 novembre 2014

L'homme augmenté

        Oscar Pistorius fut un pionnier : ce fut le premier homme à devenir plus performant grâce à des prothèses. Malgré ses déboires avec la justice, il ouvrit une voie dans laquelle beaucoup d’autres s’engouffrèrent bientôt. En particulier, la miniaturisation aidant, dès les années 2030 tout le monde avait le phone greffé à l’oreille, au sens propre du terme. Là encore, la sonde cérébrale était bien pratique pour fouiller rapidement son carnet d’adresse.
        D’autres furent plus créatifs : prenant modèle sur les requins, les adeptes de hockey subaquatique se firent greffer un ruban électrosensible sur les flancs, afin de mieux percevoir les impulsions électriques dans les muscles de leurs adversaires. Cette innovation, conjuguée à l’invention des branchies amovibles, rendit ce sport beaucoup plus populaire, au point d’en faire une discipline olympique. Malheureusement, le monopalme mécanique, très spectaculaire, fut interdit par les pisse-froid du comité olympique par peur des accidents.
        Pendant ce temps les amputations volontaires se multipliaient. De tristes sires se désolaient, déclarant qu’on crachait à la face de Mère Nature et que s’ouvrait l’ère des monstres. Ce à quoi les prothètes, menés par le philosophe Bernabé Fakebum, rétorquaient que l’homme étaient prothésé depuis son premier outil. Et ils inventaient de nouveaux dispositifs ludico-sexuels inspirés des céphalopodes.

lundi 3 novembre 2014

Les bopowap

        Le Grand Court-Jus eut lieu en 2029. Les coups de boutoir du changement climatique, conjugués aux contraintes pesant sur les ressources fossiles et au développement rapide des véhicules électriques, firent sauter le réseau australien, puis, par effet domino, la plupart des grands réseaux électriques du monde.
        Comme le dit justement Ernestino Hulki, alors PDG du groupe Solareva-BP : « On est en slip ». Mais personne ne l’entendit car Internet n’était plus qu’une toile d’araignée morte. Sur le modèle de Fukushima en 2011, les centrales nucléaires sautèrent une à une, balayant la civilisation d’une grande partie de l’Europe. L’Islande devint le plus grand foyer de culture à l’Ouest de l’Oural.
        En Inde aussi, les centrales sautèrent mais comme elles étaient relativement peu nombreuses, la majeure partie du sous-continent resta indemne. Ce fut même une opportunité unique pour les Etats du Sud de la péninsule: ils  se trouvèrent d'un coup au centre de toutes les convoitises, du fait de leur maîtrise des bopowap (body powa appliances), appareils à picovolts alimentés par l’électricité résiduelle des muscles. La morosité ambiante aidant, le string-gyrophare fut un énorme succès dans les night-clubs de l’Asie méridionale. C’est grâce à ce type d’innovation à haute valeur ajoutée que la Tamil Confed devint la puissance mondiale que nous connaissons, capable désormais de tenir tête au Brasiu Granji et au Beidongguo.

mardi 28 octobre 2014

Les interfaces

        Pendant toute la fin du XXe et le début du XXIe siècle, on fit d’important progrès dans la communication avec l’ordinateur. Les débuts historiques s’étaient faits avec seulement l’écran et le clavier. Puis on inventa les fenêtres et la souris. Plus tard vint le capteur de mouvement, grande contribution du jeu vidéo à l’informatique généraliste. Vers 2010-2020, les écrans devinrent tactiles, puis pliants, puis holographiques. On put enfin travailler debout en agitant les bras, comme Tom Cruise. Ce fut la période dite « windmill ». On vit refluer les grandes épidémies liées au travail sédentaire, obésité et troubles musculo-squelettiques. Cela contribua à résoudre une partie du déficit budgétaire des pays riches. En revanche, les fractures de la main devinrent fréquentes.
         Pendant ce temps, la communication entre humains stagnait. On s’était très longtemps satisfait de la parole, fluide mais fugitive. L’écriture avait rendu possible l’accumulation des connaissances et le progrès technologique. Mais elle était lente. L’informatique, le réseau et les terminaux mobiles mirent un peu de réactivité dans tout ça. Cela dit, seul l’implant cérébral libéra véritablement la communication. Il devint possible de partager instantanément ses idées et ses impressions. On vit l’apparition de l’utopie fusionniste, qui prévoyait l’harmonie de l’espèce, sur la base d’une compréhension profonde et totale de tous les individus.
        Alors quelqu’un eut l’idée de connecter son implant au réseau. Ce fut la naissance du cybiocerveau planétaire.

samedi 25 octobre 2014

ovni 1

mi scias nenion
pri tiu fora virino
kies kolo nokte serpentlongigxas

mardi 14 octobre 2014

L'imprimante 3D

        Ce n’est qu’au début du XXIe siècle qu’apparut l’imprimante 3D. L’innovation se répandit comme une traînée de poudre et très vite on assista à une réorganisation radicale du système de production. Les petites pièces de plastique en particulier, toujours les premières à casser, devenaient facilement remplaçables. L’industrie du grille-pain s’effondra. Plus généralement, la position des producteurs fut profondément minée. La Chine connut une décennie très dure, où la croissance à deux chiffres n’était plus là pour masquer l’horreur sociale et écologique. 
        Puis on butta sur le problème de la matière première : l’imprimante fonctionnant à base de plastique, le pétrole, qui flambait déjà, explosa. Heureusement, un petit malin inventa une machine à recycler les plastiques à la maison. Dans la foulée, un autre inventa la machine à recycler les épluchures. Avec une peau de banane on imprimait une baignoire sabot. Le cours du pétrole s’effondra, provoquant des émeutes de la faim au Qatar. 
        Ce fut l’ère des designers : Internet était le support idéal pour ces productions immatérielles soudain inestimables. Certains exaltés y virent le triomphe de l’idée sur la matière, de l’esprit sur le corps. Philippe Starck prit la tête du Grand Orient de France.
        Jusqu’au jour où l’implant cérébral fut au point. On put désormais simuler la présence des objets en manipulant directement le cerveau. Ce fut l’avènement de la Matrice.

mercredi 8 octobre 2014

Constructif

On envoie des robots sur Mars pour ramasser des cailloux. Alors j'ai une proposition : envoyons plutôt des connards. Ça présente un certain nombre d'avantages : 
  1. Les connards sont beaucoup moins coûteux que les robots martiens, qui valent des millions de dollars. Pour ce prix-là, on peut s'offrir des pelletées de connards de qualité supérieure et même s'autoriser un large pourcentage de pertes.
  2. Les connards sont nuisibles sur Terre. Sur Mars, ils seraient utiles.
  3. Ramasser des cailloux sans oxygène, c'est une excellente occupation pour certains connards auxquels je pense.

mercredi 1 octobre 2014

Barbituerie etc.

BARBITUERIE n.f. Mise à mort rituelle de top models à la mémoire de Marylin Monroe. 

CAMEMBEURRE 1. n.pr. Capitale de la nouvelle région administrative Normandie-Bretagne. 2. n.m. Spécialité culinaire transbox devenue le symbole de la région. – Par ext. Mélange lipidique utilisé pour la propulsion des lanceurs lunaires. 

DÉGRAGE n.f. Mélange de dégoût et de rage généré par refoutage. 

MALMUR n.f. Acroximatif de malaria multirésistante. Souche de paludisme résistant aux traitements classiques, apparue en Europe occidentale vers le milieu du XXIe siècle. 

PARADOGME n.m. Théorie bien établie. La mise au point des prothèses génitales reliées au cloud fit sauter le paradogme de la reproduction in presentia (G. Portes). 

REFOUTAGE n.f. Répétition de duperies supposées. Par ext. Sentiment d'impuissance à changer le cours des choses. syn. SASHAA. L'éclatante victoire du Front national aux élections européennes de 2014 fut la conséquence d'un refoutage généralisé. (J. Le Goff) 

Sa.Sh.A.A. Acroximatif de Same Shit Again and Again (mot anglais). syn. Refoutage 

TRAVAIL DE TRUIE n.m. Travail de tri mal exécuté.

samedi 20 septembre 2014

L'alexie

A l'aube de la cinquantaine, Alexis est frappé par un AVC. Par bonheur, cela se passe en bas de chez lui, juste en face du CHU. Les secours sont donc sur place en quelques minutes et Alexis est emmené aux urgences.
Après les examens d'usage et la prescription d'une forte dose d'aspirine, les médecins vont voir son épouse et lui font part d'un certain optimisme : ils lui annoncent que le cerveau est resté très peu de temps sans alimentation et que le risque de séquelles est minime.
        C'est donc une très désagréable surprise pour Alexis quand, après trois jours de repos, il se sent la force d'ouvrir un livre : les lettres ne s'assemblent plus.
Branle-bas, il sonne l'infirmière, qui appelle l'interne, qui appelle le chef de service. On fait des examens complémentaires. Le diagnostic est sans appel : alexie. Il ne lira plus. En revanche, il peut toujours écrire.
C'est ennuyeux car Alexis est professeur de lettres. Il pressent des difficultés économiques.
Cependant, quelque chose dit à Alexis que c'était inéluctable. Et comme c'est un homme plein de ressources, bien vite, changeant de pied, il tire parti de cette difficulté pour tourner une grande page dans sa vie : jusqu'ici, il a lu. Désormais, il écrira.
Que des premiers jets, bien sûr, puisqu'il ne peut pas se relire. Ça le contraint à bien polir ses formulations mentalement avant de les mettre sur le papier.
En parallèle, il se lance dans l'exercice oral de la littérature, déclamant en public avec une verve réjouissante tous les poèmes dont il s'est gavé au cours de sa carrière.
Désormais, comme un canard du Sud-Ouest qui distribuerait son foie à droite à gauche, Alexis inonde le monde de ses écrits et de ses performances. Ce faisant, il crée le courant littéraire spontanéiste, qui tranche joyeusement avec la prose laborieuse des partisans du traitement de texte.  


dimanche 14 septembre 2014

Mon joli kangourou

Le 7 juin 2074, Manuel se coucha vers onze heures. Il éteignit la lumière et s'endormit en un instant.
        Il se trouva aussitôt sur une longue plage beige, où se trouvaient répartis à intervalles réguliers des kangourous. C'étaient des animaux adultes, comme en attestaient leurs seins rebondis. Intéressé, Manuel s'approcha du kangourou le plus proche, scruta sa face, regarda sa poitrine. Il releva les yeux et rencontra son regard très doux. Presque malgré lui, sa main se leva et se posa sur le sein gauche de l'animal, qui ferma doucement les yeux. Le kangourou était nu, et Manuel se trouva très agité.
        Il se réveilla brusquement, un peu tremblant. Il se leva, fit quelques pas hagards jusqu'à la salle de bain, pour y boire un verre d'eau et rafraîchir sa fièvre. C'est là qu'il vit dans la glace que sa sonde cérébrale était allumée.
        Il était pourtant certain de l'avoir réglée sur Nuit Réparatrice : il avait passé une journée fatigante avec ses nièces au zoo. Il fit une rapide vérification et constata surpris qu'il venait d'envoyer un message. Il l'ouvrit et ses cheveux se dressèrent sur sa tête : le film de son rêve venait d'être transmis à une longue liste de destinataires, dont sa sœur, deux équipiers du club d'air-aqua mais aussi des interlocuteurs ponctuels comme son conseiller aux impôts. Il lui sembla fondre dans son pyjama.
        Là, il se réveilla de nouveau en sursaut, glacé de sueur. D'abord égaré, il s'infligea quelques claques sonores pour vérifier qu'il était lucide cette fois, puis vérifia sa sonde. Alors il constata avec un immense soulagement qu'elle était bien sur Nuit Réparatrice. Encore sous le coup de sa frayeur, il décida d'installer sur-le-champ le programme de protection Oniromancer 3.5. 
        C'est ainsi que Manuel fut victime de la première campagne de publicité infraconsciente d'Europe occidentale.


mardi 9 septembre 2014

Biographictive etc.

BIOGRAPHICTIVE n.f. Vie rêvée.

HAIKUARELLE ou HAIQUARELLE n.f. Pièce d'art transbox associant une aquarelle et un haiku.

KANGOUROUX n.m. inv. Sous-espèce de kangourou endémique de la Tasmanie, dont le pelage évolue avec le changement climatique.

ONIRÔDEUR n.m. Virus informatique insérant des cauchemars dans les rêves d'une personne, via son implant cérébral.

P.I.R.E. n.f. (acronyme de Publicité à insertion de rêve endormi) Procédé mercatique consistant à insérer des séquences publicitaires dans les rêves d'une personne endormie, via son implant cérébral.

TÉLÉPHOЋO n.f. Photographie réalisée à l'aide d'un téléphone mobile. syn. photophonie

TRANSBOX adj. inv. Qui sort des catégories usuelles. Ce séjour à Balbec fut une nouvelle période de tassements et d'amours transbox. (M. Houellebecq)

VAPIONCES n.f. pl. Congés employés à paresser.