vendredi 3 avril 2020

Jour 18


Bon alors j’ai une mauvaise nouvelle. Enfin une nouvelle mauvaise nouvelle : ça va être plus long que prévu. Certains disent que l’épidémie va partir, revenir et que ça va durer des mois, jusqu’à ce que 60 % de la population soit immunisée. Sauf si on peut retomber malade, ce qui n’est pas totalement exclu. Et sauf si le virus mute beaucoup, ce qui idem. Merci le moral.
Plus probablement, ça va déconfiner par morceaux. On ne va pas se démouler en bloc comme un beau foie gras. On sera gras, sans doute, après ces semaines de bernique, mais pas en bloc : ça va déconfiner par région, par tranche d’âge, par état de santé, on ne sait pas.
Usbek et Rica publie un article bluffant sur l’après. J’essaye de résumer : on s’est fait vitrifier sur place comme Pompéi. L'État est redevenu l’acteur majeur de la société. Après ne sera pas comme avant mais on ne sait pas comment. On va peut-être recommencer à être prévoyant, à produire local. Belle réflexion.

A part ça, les mauvaises nouvelles habituelles mais qui fouaillent quand même : deux premiers morts dans un bidonville en Inde. A Guayaquil en Équateur, les corps attendent le long des maisons et au bord des routes. La morgue de Milan est pleine. New-York brule, le bateau-hôpital est vide.

Je prends conscience qu’on vit peut-être un tournant. Ce n’est pas que une crise mondiale, ça pourrait être un début de démondialisation, de démontage de l’Europe (ou le contraire), de retour à une pensée à moyen terme. Tout ça a des inconvénients et des avantages. Est-ce que la crise climatique, cauchemar quotidien, est subitement devenue un non-problème ?
Il va falloir commencer à lire autre chose que des courbes de morts. Par exemple, Harari l’historien génial dit en substance que nous sommes en train de prendre un coup de pied au cul cosmique. Des tas de choses qui se trainaient se mettent à cavaler comme des lapins. Des expériences sociales à grande échelle vont avoir lieu. Télétravail, oui mais aussi les ultraconservateurs américains réfléchissent au revenu universel. Ça scie la nouille un peu quand même, ça. Ils réfléchissent aussi à la façon de fliquer tout le monde comme les Chinois.
L’IFTF, agence de prospective californienne, écrit aussi sûrement des milliards de choses époustouflantes mais là excuse je n’ai pas le temps de lire tout internet. Je finis le texte du jour et on en parle demain, quand j’aurai remis mon cerveau à l’endroit.

Et aussi : le bac est annulé, ce sera au contrôle continu.

Ici, au niveau du quotidien, on nage en pleine routine, certains même commencent à s’en plaindre dans le quatuor familial.
On a notre premier apéro-visio ce soir. C’est pas mal. Moins bien qu’en vrai mais pas mal. Ça dure moins longtemps, on picole moins.

Pendant ce temps, des choses demeurent : dans le jardin une grosse abeille charpentière se pose sur une fleur d’arum, dans le cône blanc velouté comme une joue de jeune mariée. Blanc pur, jaune intense, noir velu, noir-bleu transparent des ailes. Éblouissant.
Je vois aussi une fauvette et un geai dans l’érable des voisins. Je n’en avais jamais vu. Parce que d’habitude je suis au travail et que c’est trop loin, ou parce qu’ils se baladent plus en notre absence. Je l’ai dit, bientôt on aura des grenouilles dans la salle de bain. Les temps changent.


2 commentaires:

  1. A part le mot catastrophe qui commence a tourner serieux dans ma tete, j apprecie le sourire narquois des animaux en cage.

    RépondreSupprimer