mercredi 25 mars 2020

Jour 9


Message technique : je remets ce jourNU à l’heure, je poste désormais le soir, pour que le texte soit celui du jour même.
Fin du message technique

État d’urgence au Sénégal et plusieurs autres pays d’Afrique. 240 morts en France hier, 1100 en tout.
L’Inde est confinée. Ça fait un paquet d’un coup, on est à un tiers de l’humanité en bocal. Mais avec des millions d’Indiens sous le seuil de pauvreté, ça fait beaucoup de monde confiné sur le trottoir.

Les grands athlètes de ce monde sont à la hauteur : Bolsonaro parle de petite grippe. Trump veut que le travail reprenne au plus vite.
Je suis collé à mon téléphone encore plus que d’habitude. Entre les infos et les messages qui fusent de toute part, je vais le greffer sur ma rétine pour plus de commodité.

L’épidémie passe à une nouvelle phase : on a des malades dans notre environnement proche. Un couple de cousins est malade depuis plusieurs jours, à Bruxelles. Perte d’odorat et de gout, ça c’est un symptôme bizarre. En plus ça s’appelle anosmie et agueusie. Moi comme symptômes, je propose perte de la capacité à mettre sa langue en rouleau et à réciter la table de onze.
Il est sournois aussi, ce virus : chez certains, il passe inaperçu et pour d’autres, c’est la mort. Tu me vois pas, tu me vois pas, t’es mort. Parapluie bulgare.

Un copain qui écrit régulièrement parle du silence. Il voit des gens qui discutent d’un toit à un autre, il parle aussi d’un aveugle ravi de l’absence de trafic, qui peut enfin se repérer aux sons dans la rue. Mais qu’est-ce que tu fais dehors, Batman ?

Les caissières, les éboueurs, les chauffeurs routiers continuent à travailler, souvent sans protection, et se sentent baisés. C’est des boulots indispensables, mais c’est vrai qu’être caissière, c’est le meilleur moyen d’attraper le virus ; c’est comme le poteau auquel viennent se frotter tous les chats pouilleux du quartier, il est sûr de choper des puces. Les caissières ont sans doute un système immunitaire costaud, parce qu’au fond c’est pareil toute l’année, mais quand même.
Boko Haram continue le travail par contre, et tue une petite centaine de soldats au Tchad.

Raté, c’est pas Elton John qui est mort, c’est Manu Dibango. Uderzo aussi, mais d’un infarctus. Il résiste encore et toujours à l’envahisseur.
Les jeux olympiques sont repoussés d’un an. Je m’en fous.

Je déconfine grave encore aujourd'hui. D’abord un tour à la boulangerie. Il y a dix mètres de queue, mais on n’est que trois, comme ça   .   .   .    C’est long, il n’y a qu’une vendeuse qui sert, masquée, gantée.
Les voitures sont rangées le long des trottoirs comme des choses mortes.
Je ressors courir un peu autour du quartier en fin d’après-midi. J’hésite entre une impression de fin du monde et de fin de tournage : il ne reste que le décor. Quelques figurants zonent encore, des coureurs surtout, des livreurs de bouffe, des promeneuses de chien.

On vit en bocal spatial mais aussi temporel : c’est une parenthèse qui va se finir un jour. C’est contraignant mais il y a plein de belles choses. Comment on pourrait garder le lien qui se fait si facilement désormais, l’intérêt pour les soignants, les vieux isolés ? C’est comme lors des attentats de 2015, on applaudissait la police, puis bien vite on a recommencé à lui jeter des pavés. Ok la prochaine fois on aura des masques, mais c’est tout ? Ça me chiffonne qu’on reprenne le business as usual à la sortie, avec l’obsession de la croissance et le grand projet mondial de destruction du climat. D’ailleurs est-ce qu’on vit un avant-gout des crises qui nous attendent avec ça ?
Rassurez-vous braves gens, si jamais le virus échoue à dézinguer la société, il nous reste le climat : on a un plan B.


9 commentaires:

  1. En fait comme on lit les news au ptit dej. Ça revient au meme pour le cote technique.
    Pour le reste le sourire aux levres et lecture a haute voix ce matin en te lisant

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    1. Content d'être avec vous au petit dej ! je reprendrais bien un croissant d'ailleurs.

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  2. En fait pour les news tres fraiches, il suffirait de ptit dej le soir

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    1. J'approuve complètement cette proposition. Dans cette période de crise, il faut savoir faire preuve de souplesse.

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  3. Rassurez-vous braves gens, si jamais le virus échoue à dézinguer la société, il nous reste le climat : on a un plan B.

    j'aime;

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  4. nous avons en réalité deux plans B, (donc un B et un C) : la crise climatique et la la crise économique. Le fameux rasoir trois lames.

    Et comme cette période remet à l’envers toutes nos croyances et espérances et nous place dans l’incapacité de penser, j’en arrive à me demander si je le souhaite tant que ça l’anéantissement du système…

    Si ça pouvait concerner que les autres, ce serait mieux.

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    1. Quand j'y pense, je n'ai pas l'impression qu'on soit dans l'incapacité de penser, regarde par exemple la Une de Libé aujourd'hui :
      https://www.liberation.fr/direct/element/a-la-une-de-libe-ce-week-end_111425/

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  5. Abyssal questionnement.
    En attendant j'adore le rasoir trois lames, merci.

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