samedi 21 mars 2020

Jour 4


La Californie est confinée, l’Argentine aussi. 500 millions de personnes bouclées dans le monde. Les Parisiens déferlent sur les iles et se font engueuler. Tout est en ordre.

On est vendredi, bilan de fin de semaine. On a bien pédalé dans la semoule mais maintenant grosso modo on est calé : des horaires, une répartition des rôles entre les adultes, des outils informatiques qui tournent, des cours à suivre et des devoirs à faire. Il reste à redéfinir le programme de boulot pour les semaines à venir et on pourra rouler.
       Holy shit, le ménage ! Jusqu’ici j’avais confiné cette sanie dans mon inconscient mais en ramassant un torchon tombé par terre dans la cuisine j’ai mesuré la situation. Faudrait pas, faute d’hygiène, ajouter la peste au choléra. Ça nous promet des grands moments de complicité familiale.
Quand tout le monde reste chez soi, on se rend compte de tout ce que font les autres, en particulier les profs, les femmes de ménage, les cuistots et les employés du tri des déchets. Oui, on ne sort plus la poubelle jaune. Au rythme où ça va dans notre système suremballé, on aura vingt mètres cubes à fourguer au démoulage.

Mon téléphone vibre continuellement. Je lis la presse vingt fois par jour, Whatsapp est une plaie et le portable un puissant disperseur de concentration. Il me prend des mains ce que je suis en train de faire et le pulvérise dans toute la pièce. Il ne me reste plus qu’à ramasser mes neurones à la balayette et les rebrancher un par un.
       Han, gros scoop, le confinement va durer plus de deux semaines. Quel farceur ce Manu. Moi je parie qu’on ressort le 15 mai. En mai fait ce qu’il te plait donc d’abord fais le foie de morue dans ta boite puis retourne au boulot en riant aux éclats. Mais en vrai, je serai content.
       Les soignants ont les chocottes. Honnêtement je les plains. On les applaudit à la fenêtre à 20 heures, c’est sympa mais ils trouillent quand même. Ils ont raison car leur avenir n’est pas rose : dans certains coins d’Italie, faute de places en réa, ils en sont à choisir qui sera pris en main et qui va mal finir. La médecine de guerre commence à faire foi. Ça fait mal partout de lire ça. T’es vieux ou malade ? Rassure-toi, ça ne va pas durer.
Ce virus va tuer du monde mais aussi de la joie de vivre : entre les soignants en choc post-traumatique, les proches dont la dernière image vivante est un camion du SAMU, les néo-claustrophobes, ça va pas être de la tarte. Déjà que les Français sont le peuple le plus pessimiste du monde. Les fabricants d’anti-dépresseurs peuvent se frotter les mains. Au moins ça contribuera à relancer une croissance en berne.
Et là je me permets de l’ouvrir, car j’ai comme une irritation dans la gorge : si ce foutu virus nous ouvrait les yeux sur ce qui est important ? Si on démondialisait ce merdier de transports et de production pseudo-optimisée ? Comment ça se fait que ma bagnole fait plus de kilomètres avant d’être vendue qu’après ? Si, au déconfinement, on ne courait pas reconsommer comme des morts de faim ? Si enfin on s’imprimait dans la calebasse que le sens de la vie, ce n’est pas l’iphone 30 ou ce petit top trop mignon, mais d’être les uns avec les autres, de prendre soin les uns des autres, de se réchauffer la moelle quand on morfle ? Ouais je sais, je suis romantique.

4 commentaires:

  1. Jou 4. Jour 7 pour nous.
    Les textes de joseph holcha s allongent.

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    1. Jour 7, jour 7, tu ne serais pas en Espagne ?
      Oui, les textes s'allongent, comme les jours. C'est le printemps. Profitons avant que je n'aie plus de jus.

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  2. En mai fait ce qu’il te plait (rire)
    espoir... !c bientôt

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  3. Guillaume Linov22 mars 2020 à 19:08

    "le portable un puissant disperseur de concentration. Il me prend des mains ce que je suis en train de faire et le pulvérise dans toute la pièce. Il ne me reste plus qu’à ramasser mes neurones à la balayette et les rebrancher un par un." Pas mal dit ça Jo. Je kiffe��

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