dimanche 30 août 2015

Pizza 15 - Sept ans de réflexion

Michele, mortifié, est venu le chercher. Il le soutient jusqu'à sa voiture, l'allonge à l'arrière et le conduit à l'hôpital. Il lui demande sans cesse comment ça va et lui parle de son chien, qui la nuit dernière s'est mis à gronder, puis à poursuivre un fantôme dans toute la maison, a réveillé tout le quartier en hurlant à la fenêtre, et a fini par se jeter à la poursuite d'un pigeon. Erminio répond d'une voix faible.
Ils arrivent aux urgences. Un jeune gars et une fille en blouse blanche sont assis sur un brancard dans le couloir. Le type la serre de très près. Elle est blonde et bien en chair. Manifestement son urgence à lui n'est pas d'ordre médical. La fille se décale un peu quand il la serre trop.
Voyant Erminio arriver avec Michele, il se décolle à regret, lui disant qu'il revient tout de suite.
De mauvaise humeur, il fait l'interrogatoire de routine. Erminio, encore faible, peine à répondre et Michele l'interrompt constamment en disant c'est comme mon chien. Au début, le toubib l'écoute, intéressé par le parallèle, mais comme Michele déblatère, le toubib finit par en avoir marre et lui dit qu'Erminio n'est pas un chien, que les chiens vont voir des vétérinaires et qu'il n'y a pas de psychiatres pour les chiens suicidaires. Michele se tait, contrit.
Le toubib achève l'interrogatoire. Il envoie Erminio en gastro-entérologie. Là, on prend soin de lui, on le palpe, on lui tire son sang, on le vide par la soute arrière, puis on le met sur un fauteuil roulant et on l'emmène en psychiatrie.
Il repasse par le hall et revoit l'interne qui l'a accueilli. Il est toujours sur le brancard avec la fille blonde et a repris son manège. Elle continue de se décaler, si bien que le brancard finit par basculer et ils se gaufrent tous les deux. Le type est honteux, la fille rigole.
Erminio a un faible sourire et poursuit son chemin.
Arrivé en psychiatrie, il attend. Il est tôt encore et le médecin tarde. Il regarde par la fenêtre. Dehors devant les portes vitrées, une infirmière fume sa cigarette. La bouche d'aération qui monte du sous-sol soulève sa blouse, elle est obligée de la retenir.
Arrive enfin le psychiatre. C'est un gros homme. Il ouvre brusquement la porte en disant suivez-moi. Il fait le tour du bureau, indiquant une chaise à Erminio, s'assied lourdement face à lui et l'apostrophe :
C'est vous, le souvenir de ma grand-mère !
Erminio reconnaît le gros type seul de la pizzeria, qui avait pris la quinconce. Le psychiatre reprend :
J'ai adoré votre histoire, elle m'a fait beaucoup de bien. Vous savez, nous les psychiatres on aime bien les souvenirs.
Erminio marmonne un remerciement.
Mais on n'est pas là pour parler de mes histoires, s'exclame-t-il. Qu'est-ce qui vous amène ?
Erminio raconte sa nuit. Le toubib l'écoute, attentif. Puis il se lève brusquement, prend sa chaise, monte dessus, et va dénicher un petit objet sur une étagère en hauteur. En redescendant, il demande à Erminio :
Ça vous dérange si je fume ? J'essaie d'arrêter, mais c'est impossible.
En même temps, avec la clé qu'il vient de récupérer, il ouvre le tiroir du bureau et sort un paquet de cigarettes. Il en propose une à Erminio, qui refuse, et il allume la sienne tout en ouvrant la fenêtre.
Bon, on ne va pas épiloguer. Hallucinations auditives, visuelles, maux de ventre. Il n'était pas un peu pourri, votre chorizo ?
Erminio acquiesce.
Il y en a qui prennent des champignons hallucinogènes, vous c'est du chorizo. Vous avez fait un mauvais trip, voilà tout. Je vous prescris un somnifère pour la nuit qui vient et demain vous serez sur pied.
Erminio se sent soulagé. Le psychiatre reprend, l'air finaud :
Bon, moi je suis psychiatre, hein, pas psychologue, mais vous avez songé un peu au sens que peut avoir cette vision ?





Balise fournie par Catherine : Sept ans de réflexion

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