jeudi 13 juin 2013

John-John et le regard

Tous les jours, John-John regarde des choses. Il est obligé de regarder devant lui pour marcher, pour trouver son cheval, pour cuire son fricot. Ses yeux limpides sont perdus dans l'ombre profonde de son chapeau.
Il a remarqué que les autres gens regardent eux aussi, pour marcher pour prendre leur fusil, pour couper du bois. Mais pas seulement. Ils regardent aussi les yeux des autres gens. John-John, lui, ne regarde pas les yeux des autres gens, il regarde les choses dont il a besoin. Il n'a pas besoin des yeux des autres gens, ce n'est pas avec ça qu'il va couper du bois ou, beurk, cuire son fricot.
John-John essaie de comprendre pourquoi les gens font ça. Il a remarqué que souvent c'est quand les gens parlent à quelqu'un qu'ils regardent ses yeux. Du coup, John-John comprend mieux pourquoi lui ne le fait pas : il est solitaire, il ne parle pas à quelqu'un.
Mais il se dit que si tout le monde le fait, c'est que ça doit servir à quelque chose. Alors il veut essayer mais il n'y a personne. Il s'approche de son cheval.
Il lui parle mais ça fait peur au cheval, parce qu'il n'a pas l'habitude. Alors John-John se tait et se contente de regarder ses yeux. Le problème, c'est que le cheval a un œil de chaque côté de la tête donc John-John ne peut pas regarder les deux en même temps. D'ailleurs il ne regarde jamais qu'une seule chose à la fois, il n'arrive pas à regarder deux choses en même temps.
Après un bon quart d'heure à regarder l’œil gauche de son cheval, il ne sent pas de différence. Il se dit qu'il faut essayer avec une personne. Pour ça, il faut aller en ville. Il va aller au bazar, acheter des clous. Il aime bien le patron.
Il se met en selle et part. Ça prend une heure d'arriver en ville. En chemin, il croise un crotale. Il essaie de regarder son œil mais le serpent file se cacher mécontent.
John-John arrive à Las Nalgas, descend de son cheval et entre dans le bazar. Ce n'est pas le patron derrière le comptoir, c'est sa fille, Rosie. Elle a des boucles blondes et, comme son nom l'indique, des joues roses. Elle lui dit bonjour en souriant et lui demande ce qu'il veut.
Contrairement au cheval, elle a les deux yeux en face mais John-John ne peut toujours en regarder qu'un seul à la fois. Il choisit le droit, pour changer. Rosie a l’œil droit d'un bleu très soutenu, planté dans celui de John-John. Il est surpris, troublé, ébloui. Il se sent mal à l'aise et ressort en grommelant que peut-être.
Il va falloir s'entraîner.

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