mardi 3 septembre 2013

José le sanglier à TOC

    Depuis toujours, José déteste le désordre et la saleté. Ça lui donne des tremblements spasmodiques. Son enfance est un enfer, qu'il subit vautré dans la fange au milieu de ses frères et sœurs, sous les mamelles sordides de sa mère.
     Dès qu'il en est capable, il quitte cette ambiance délétère et va creuser, dans son coin, un petit nid douillet, tapissé de feuilles fraîches et de menthe. José ne supporte pas l'haleine fétide du lever.
     Tous les soirs, à son réveil, il débarrasse sa vieille litière et cherche des feuilles fraîches, toutes de la même espèce et de la même taille. Puis il les arrange de façon géométrique, superposées comme les tuiles d'un toit, en rangs serrés partant de l'extérieur de sa bauge vers le centre. Ensuite il parsème l'ensemble de feuilles de menthe, là aussi selon un motif régulier. Cette occupation lui prend une grande partie de la nuit car José n'a pas de mains. Puis, quand toutes les feuilles sont ordonnées comme il faut, que les cercles concentriques sont parfaits, il prend sa vieille litière et l'emporte, assez loin car il n'arrive pas à s'endormir avec l'idée qu'il y a des saletés alentour.
     Enfin il part chercher à manger. Mais il passe tant de temps à soigner sa couche que c'est déjà le point du jour. Alors il mange n'importe quoi, des champignons semi-vénéneux, des sacs plastiques qui traînent dans le sous-bois, des limaces pleines de pesticides.
     José mène une existence très douloureuse, il est efflanqué et malheureux. Jusqu'au jour où il rencontre Alexandra, loutre gracieuse, constamment dans l'eau, le poil parfaitement lisse. Elle lui apprend une nouvelle forme de propreté, beaucoup moins contraignante. Avec elle, José devient le plus heureux des sangliers nageurs.

1 commentaire:

  1. Ce texte est d'une énorme beauté. Et José un chouette prénom pour un sanglier.

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