mercredi 11 novembre 2015

Démonstration 11 - Compas

Micks a décidé de sauter le pas. Il était plutôt réticent, il trouvait ça pas naturel et assez dégueu. Mais tous ses copains l'ont fait, les jambes et même, pour les plus audacieux, des ailes. Tous lui disent que c'est incroyable, qu'ils ont des sensations extraordinaires. Micks les voit bondir comme des sauterelles, planer du haut des tours. Il se laisse convaincre, il veut être comme les autres. Il prend rendez-vous à la Clinique du Surhomme.
L'opération se passe bien. Ses moignons sont bien formés, pas de syndrome du membre fantôme. Ses prothèses sont belles, même si Micks ne roule pas sur l'or. Après les trois semaines de convalescence, il peut s'élancer à son tour. L'ivresse est fulgurante. Il court comme jamais, bondit comme un félin.
Il s'amuse des mois durant. Puis il s'habitue. Il en vient à se demander comment il vivait avant. Pendant ce temps, certains de ses potes se font les bras, certains même un œil.
Micks les regarde. Ça lui fait envie mais il hésite encore. Il ne pensait pas recommencer si vite. Il manque d'argent. Il se dit qu'après les bras, il faudra autre chose. Il ne voit pas de fin.
Il rumine pendant des mois puis, un jour, il finit par se dire que c'est bien vain, qu'on doit se satisfaire du corps qu'on a. Ses jambes sont déjà presque obsolètes, elles ne sont pas compatibles avec les derniers prothextes. Il regrette son amputation. Il se trouve puéril et stupide. Un matin, il les jette de rage.
Il prend une chaise roulante. Dans la rue, les jeunes le fixent comme une bête curieuse. Certains vieux sont plus compréhensifs et lui adressent la parole, lui demandent s'il est trop pauvre pour acheter des prothèses. Il répond : je n'en veux pas. Ils sont surpris mais certains presque attendris se dévoilent, partageant l'incompréhension des mutilations volontaires.
Un jour, il croise son chirurgien. Bonne âme, ce dernier lui offre une paire de prothèses. Micks refuse. Il lui dit : je préfère les escarres au cul qu'à l'esprit. Le chirurgien est très choqué. Il lui dit d'abandonner alors ses lunettes et sa chaise roulante.
Micks rejoint le camp des naturistes radicaux, désormais en conflit ouvert avec les prothètes.


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