Jour 20 ¾

Ce matin j’en ai marre, je me barre. Ça fait des semaines que j’ai envie d’aller dans le centre pour voir sa tête.

Je tire ma révérence, prétendant aller chercher du pain mais, au coin de la rue, je sors la blouse et le masque que j’ai préparés, me les colle sur le dos et je file. J’espère qu’on va m’applaudir.

Sur mon petit vélo, je suis le roi du pétrole. Je rêvais de voir tous ces lieux vides, comme un parc d’attraction avant l’ouverture. Je veux surtout aller dans un endroit où il y a toujours du monde pour voir la différence. Je pourrais bien me faire le périph à contresens, mais vraiment je ne suis pas sorti pour ça.

Je vais devant le château, personne, les Anglois ont tout pillé sans doute, je vais sur la place aux bars, personne, c’est bien, puis dans les rues commerçantes, un magasin est ouvert. Une boulangerie. Encore la boulangerie.

Une ambulance passe pin pon. Un peu vague, je la suis. Aux Urgences il y a toujours la queue. Mais là ça ne sera pas mieux que d’habitude. Et j’en ai marre de l’actualité médicale. Je décroche, je vais à la piscine.

Bien sûr c’est fermé. Je toque à la vitre à tout hasard. Le gardien vient, je lui sors un bobard d’inspection sanitaire. Il m’ouvre. Je le pousse brusquement et cours dans les couloirs. Je monte l’escalier quatre à quatre, j’arrive dans l’immense espace, devant le rectangle bleu plat comme la main, je me fous à poil en trois secondes et je plonge. Enfin. Personne. Personne de personne.