Michele est enchanté : pour un
premier soir, c'est parfait. Et il est sûr qu'Erminio fera encore
mieux ! Il veut instaurer une soirée à histoires chaque
semaine. Ça pourrait être le mardi soir, c'est un jour creux, ça
permettrait d'attirer du monde, peut-être de nouveaux clients !
Erminio hésite. Il s'est bien amusé
mais il a peur de ne pas arriver à se renouveler.
Concetta pense que les bonnes histoires
pourront être resservies et elle est sûre qu'il trouvera de
nouvelles idées. Ça fait des années qu'il raconte des salades, il
peut bien maintenant raconter des pizzas.
Erminio a peur alors de devoir toujours
répéter la même chose.
Pour couper court, Michele propose de
continuer pendant un mois puis on verra ce que ça donne.
Erminio se tait, puis accepte. Tout le
monde est content.
Le mardi suivant, Erminio s'est bien
préparé. Il a en tête une vingtaine d'histoires pour toutes les
pizzas classiques. Il n'exclut pas un peu d'improvisation en plus.
De son côté, Michele annonce la soirée
depuis une semaine. Une belle affiche trône sur la devanture, avec
l'inscription :
L'autre
sel
Ajoutez une histoire à votre pizza.
Chaque mardi soir ce mois-ci
Au début, Erminio ne sait pas trop que
penser de cette inscription, il la trouve vieillotte. Puis, à la
longue, il apprécie son côté décalé et s'en satisfait
pleinement.
Arrive le service du soir. Les choses
commencent de façon un peu ronronnante, quelques margherita pour se
mettre en jambe, une capricciosa, une siciliana avec une belle
histoire au pied d'un volcan. Erminio prend confiance.
Au bout d'une heure, Leonarda vient lui
dire à l'oreille :
– Donatella
est revenue.
Erminio se fige. Il craignait que ça
arrive. Mais il est prêt.
Il passe à la table suivante. Arrive le
tour de Donatella. Elle est avec la même amie que l'autre fois. Elle
a commandé une carciofi.
Erminio connaît bien ses goûts en
matière de pizzas et il n'est pas surpris.
Quand il s'approche de la table, elle
l'accompagne de son regard vert olive. Il est troublé. Il les salue
et commence.
Un jeune paysan russe, partant aux
champs, entend un petit miaulement. Il s'arrête et trouve, sous un
fourré, un chaton nouveau-né tout neuf, tout frêle. Il a froid. Le
jeune gars, sans réfléchir, le met alors dans sa veste, contre sa
poitrine, pour le tenir au chaud.
Toute la journée, il travaille avec le
chaton contre lui, le réchauffant et prenant soin de ne pas le
blesser. Au soir, il lui donne quelques gouttes de lait.
Les jours suivants, il l'emporte de
nouveau : il ne peut pas le laisser seul. Il le garde tout le
jour contre lui, et lui donne du lait quand il a besoin.
Au fil des jours, le chaton forcit. Il
est toujours petit mais il a maintenant du poil. Il pourrait rester à
terre. Il ne veut pas et rentre toujours dans la veste du gars.
Cependant, un jour de grande chaleur, le
paysan pose sa veste pour travailler torse nu. Il la pose en boule,
pour faire un coussin, installe le chat puis reprend son travail.
Quand il retourne à sa veste à midi
chercher son croûton, le chaton n'est plus là. Le paysan est
content, il se dit qu'il est parti fouiner comme font les chats.
Mais le soir, le chaton n'est toujours
pas là. Le paysan le cherche longuement, dans les haies, dans les
fossés, le long du ruisseau. A la nuit tombante, son voisin passe et
lui demande ce qu'il fait. Honteux de chercher ainsi un chaton, le
paysan dit qu'il a perdu une pièce et que tant pis, il rentre chez
lui. Mais après son dîner, il repart chercher. Il rentre peu avant
l'aube, épuisé et très triste : il se rend compte qu'il tient
à ce chaton. Il s'énerve aussi, se reprochant de s'être attaché
aussi vite à une bestiole aussi fragile, il se fâche contre son
cœur d'artichaut. Il s'écroule sur son lit.
Les jours suivants sont longs et mornes,
sans le chaton sur son cœur. Alors, toutes les nuits, il cherche. Il
fouille les haies et les fossés, il veut comprendre où est passé
le chaton.
Puis, une nuit, il rêve. Il rêve que
le chaton est caché de nouveau, qu'il n'est pas loin, qu'il
l'appelle. Il se réveille et, dans le silence, il entend son
miaulement faible. Le cœur battant, il sort. Se guidant à l'oreille
dans le noir, il entre dans son jardin. Il marche à pas de loup
entre les rangs de légumes. Il finit par retrouver son chaton dans
le cœur d'un artichaut.
Erminio se tait. Donatella dit, avec son
demi-sourire :
– Je
m'attendais à une histoire plus piquante.
– Il
fallait prendre la scorpione.
Balise fournie par Fabrice : le chaton
Ouh! la! la! ca sent l'échange sur brasiers ardents. La "Stromboli" s'agite en cuisine. Vivement la suite.
RépondreSupprimerMerci pour ce texte !
RépondreSupprimerChaton adopté, moins téméraire que le tien, il faut dire que je l'empêche de sortir...
Fabrice