Le lendemain, la routine à quatre mains
reprend : Concetta et Erminio se présentent à la pizzeria dès
huit heures. Pâte, découpe, préparation, ajustements de dernière
minute.
Arrive
le service. Leonarda, la serveuse, jette les commandes à travers le
guichet dans la porte de la cuisine : margherita, calzone,
parmigiana, encore margherita avec deux assiettes, siciliana,
scorpione. Erminio remarque la scorpione, celle-là on ne la commande
pas souvent, ce n'est pas un classique, c'est une de ses inventions.
Il a un faible pour elle : il a trouvé un piment spécial, long
à la détente. On mord un premier morceau de pizza, c'est bon, on a
l'arôme mêlé de la pâte, la tomate, la mozzarelle, le jambon, le
poivron qui trompe son monde, puis, au fil des bouchées, on commence
à sentir le piment. C'est un peu comme un Espelette, assez doux. Les
gens en laissent rarement car c'est un bon équilibre.
Puis,
quand ils posent leur fourchette, le piment se démasque. Il a mis le
feu au palais. Le gourmand est bien attrapé : tout est savouré
et avalé. Maintenant il ne reste plus qu'à rougir et transpirer
pour expier sa pizza. Au total, c'est un peu comme un explosif à
mèche longue, ça pète quand on ne l'attend plus.
Tout en roulant ça dans sa tête,
Erminio aide Concetta à confectionner les commandes rapidement.
L'épaule se remet doucement et ils commencent à être bien calés à
deux. Ils envoient, et le flux continue. Il y a pas mal de monde, ça
devrait faire un bon chiffre.
Au bout d'une demi-heure, les commandes
de pizzas commencent à s'essouffler, et les desserts prennent le relais.
Puis Leonarda dit qu'un client demande à
voir le cuisinier. Concetta et Erminio se regardent. Erminio lui dit
d'y aller car c'est elle qui abat la plus grande partie du travail.
Il peut gérer la suite, les desserts ne demandent pas beaucoup de
préparation.
Concetta revient au bout d'un instant en
disant que c'est pour la scorpione et que c'est lui qui est attendu.
Erminio grommelle et quitte la cuisine. En terrasse, lui a dit
Concetta. Il sort, arrive à la table et voit Donatella, avec une
amie.
Il reste interloqué. Donatella le
regarde dans les yeux et dit :
– J'ai
commandé la scorpione et je voulais vous remercier. C'était très
surprenant. J'ai beaucoup aimé la douceur apparente, presque banale,
puis le feu qui se révèle et qui donne tout son piquant à la
chose. Quand on ne l'attend plus.
Erminio reste muet. La scorpione est la
pizza préférée de Donatella, elle la connaît parfaitement. La
copine rigole. Donatella ajoute :
– Je
reviendrai.
In cauda venenum.
Balise fournie par Valériane : le scorpion
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