Le
truc qui me turlupine, c'est ma vie. Je sens les semaines passer, il
y a plein de trucs super, goût sucré, mais souvent je regarde la
ligne d'arrivée et je me dis : quand tu y seras, tu regretteras
de ne pas avoir été écrivain.
– Je
ne peux pas être écrivain, je ne gagne pas un rond avec ça. Je
fais ce que je peux pendant mes loisirs.
– Tu
pourrais faire plus.
– J'ai
pas envie de trimer comme un âne. J'ai le devoir de m'occuper de mes
enfants et de ma femme. J'ai le droit de jouer. J'ai le droit de
perdre mon temps.
– Tu
regretteras de ne pas avoir fait de musique et de sculpture et de
théâtre d'improvisation. Tu regretteras de ne pas avoir été ce
que tu es vraiment, un ultracréatif tous azimuts. Le temps passe et
je vais rater ma vie à cause de toi.
– Tu
m'emmerdes. Je fais ce que je peux. Je m'en fous d'être un grand
homme, moi.
– Chier.
J'ai la trouille, moi.
– Oui
ben tout le monde a la trouille. Être un grand homme ne t'empêchera
pas de mourir.
– Un
peu quand même.
– Non.
Quand t'es mort, tu deviens un steak pourri, c'est tout. Alors d'ici
là, il faut vivre, et pour ça, être moyen c'est mieux, c'est plus
équilibré.
– Merde
à l'équilibre.
– Merde
à la frénésie. J'ai donné, je me suis crashé. Plus jamais la
prépa.
– Tu
choisis rien, tu fais tout un petit peu, ta vie est terne.
– Merde
aussi au romantisme. Je fais plein de choses, je suis plusieurs
personnes à la fois, salarié, père, pote, sportif, écrivain. Je
vis plein de vies en même temps, c'est comme ça que je fais le plus
de choses . Le voilà ton théâtre d'improvisation.
– Camaïeu
de couleurs ternes.
– Rha
ta gueule.
Merde,
j'en suis à combien. Ça fait trois fois que je compte onze. Enfin
je crois. Merde.
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