Dès
que le rythme est installé, la rêvasserie prend le dessus. Mon
esprit flotte, comme qui dirait.
Souvent je m'engueule avec
quelqu'un. Un qui m'a énervé, une voiture qui m'a collé sur la
route, une blague vexante. Je me fâche tout rouge, je règle des
comptes terribles entre les petites bouées sur leur fil. Elles ont
des compartiments pour éviter les vagues.
Je
traîne dans mes poches des colères vieilles de vingt ans. Je les
revis dans les bulles. Ça ne me soulage pas spécialement, le film se choisit tout seul, juke-box aléatoire.
D'autres
fois, je me souviens. Je repense à ma grand-mère, qui blaguait,
vieille femme farceuse. Était-elle vraiment folle ? Ça fait
bientôt dix ans qu'elle est morte. Quelquefois elle me manque,
pourtant je n'allais pas la voir souvent les dernières années. Sa
maison me glaçait et mes week-ends étaient trop précieux. Mes
regrets se dissolvent dans le chlore.
Ou
tel ami, avec qui j'ai coupé net du jour où il m'a traité de
beauf. Je ne suis pas définitif pourtant, il faut me chercher
longtemps. Non, je n'aime toujours pas Rameau, c'est de la musique de
marquis.
Tout
ce que je dois faire. Ça me submerge. Il y a le travail, la famille,
les engagements pris, l'écriture. Quand écrire devient un devoir,
c'est mauvais signe. Et pourtant, même sous la contrainte,
quelquefois ça marche. C'est comme la natation : pas de lien
entre l'envie qu'on en a avant et le plaisir qu'on y prend une fois qu'on y est. Il y a des plis imprévisibles qui s'ouvrent. Comme le
sexe aussi. Et danser le tango, paraît-il. Le monde est
imprévisible.
Heureusement,
les carreaux défilent régulièrement au fond de
la piscine. Après la dixième longueur, c'est la onzième. Certaines
choses restent prévisibles.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire