Ça
fait longtemps que je ne suis pas venu. La crève de l'hiver, la
flemme, ça fait un mois. Je marche sur le carrelage froid, sans
doute sale, je n'y vois rien, mes lunettes sont dans le casier.
Je
passe sous la chaise d'arbitre, bonjour monsieur perché, je passe
entre les deux bassins, je pose mes affaires sur le premier gradin,
je prends mes lunettes de natation et mon tuba, les lanières
s'emmêlent comme d'habitude. Je frissonne. Je descends l'échelle,
je souffle en m'immergeant, c'est froid. Je chausse mon bazar. J'ai
l'air idiot sans doute, en slip avec mon circuit de gomme sur la
tête. Dos au mur. J'attends un créneau entre les trop lents et les
trop rapides.
Première
poussée, bien fort. C'est l'extase. Je file dans l'eau comme une
aiguillette, je n'ai jamais été aussi fin, je me dissous. Je sens
l'eau couler tout le long jusqu'aux pieds, ça avance tout seul. Les
bras mordent dans l'eau, gourmands, ils tirent fort sans que je fasse
rien. Le corps exulte. Sentiment de puissance. Je nage en apnée, je
plane, jusqu'à la ligne rouge au moins. Je respire un coup, apnée
encore. Je tire trop fort, je sais, je vais le payer mais je ne peux
pas m'empêcher : je suis tellement content de retrouver l'eau.
Au
bout de la longueur, il faut bien respirer. Je commence à prendre le
rythme, aspire bras gauche, souffle bras droit, comme un randonneur,
comme un migrateur, comme une machine de chair. Le film se lance.
Jolie reprise. J'en ai eu des frissons glacés à l'idée de tomber dans l'eau froide… puis ce délicat sentiment de légèreté du corps plongé dans un liquide. Merci. 2016 s'ouvre sur un bel accueil aquatique.
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