Erminio est rêveur. Il est sensible aussi. C'est pourquoi, ce
soir-là, quand il sort de l'opéra, il est encore tout vibrant de
Verdi, il ne voit pas la flaque de graisse devant le feu, au coin de
la rue Buzzati. Sa roue arrière chasse et il se croûte. Allongé
par terre, la tête sonnante, écrasé par son scooter posé sur lui
comme une amoureuse encombrante, il sent une douleur monter dans son
épaule. Comme elle grandit, il se dit qu'il s'est cassé quelque
chose. Puis les sirènes commencent à être audibles, et il se
demande comment il ira travailler demain : un pizzaiolo a besoin
de ses deux bras.
Arrivé aux urgences, son épaule est toute bleue et enflée. La
radio confirme le diagnostic du pompier : épaule démise.
Réduction, trois semaines d'immobilisation, anti-inflammatoires.
Erminio est soulagé. Concetta, qui est arrivée en catastrophe, est
encore affolée. Erminio a préféré appeler sa cousine plutôt que
sa maman, qui aurait été terrorisée et n'aurait pas réussi à se
rendormir. Et Concetta habite tout près de l’hôpital.
Quand tout est fini, qu'ils sont rassurés, Concetta part chercher la
voiture pour ramener Erminio chez lui. Lui s'installe dans un
fauteuil défoncé du hall. Assommé de calmants, il s'endort. Il
fait des rêves agités, où de jeunes gens en scooter vivent des
histoires d'amour compliquées à l'opéra.
Quand Concetta revient, il est six heures du matin et elle est avec
sa sœur Paola. Concetta a oublié où elle avait garé la voiture.
Elle a dû aller à pied chez Paola pour lui emprunter la sienne.
Quand Paola a su ce qui se passait, elle a voulu venir aussi.
Comme ils partent, le soleil se lève. Ils rient très fort dans la
voiture quand Concetta raconte sa longue marche à travers la ville
pour aller jusque chez sa sœur. Ils passent sur la petite place près
de chez Erminio et le patron du bar sort ses chaises. Erminio demande
à Paola de s'arrêter. Paola lève un sourcil, s'arrête. Ils
sortent, s'installent en terrasse et prennent des cafés au lait. Le
matin est pur, déjà tiède, amoureux.
Quand ils ont fini, Erminio fait un saut à la pizzeria, juste à
côté. Michele, le patron, vient d'arriver. Quand il voit Erminio,
il pousse un cri, s'empresse, l'interroge, le prend dans ses bras,
lui fait mal, puis il marque un temps d'arrêt et lui dit : mais
comment vas-tu travailler ?
Erminio répond calmement que Concetta va venir avec lui. Elle est en
vacances et elle cuisine très bien. Elle sera son bras droit.
Balise fournie par Emmanuelle : se déboîter l'épaule
Inspiré de Michel Sapin?
RépondreSupprimerEuh... non. Michel Sapin fait des pizzas ?
RépondreSupprimerIl a glissé sur une flaque d'huile lundi il y a une semaine dans une station service et s'est crouté le bras...
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