mercredi 25 novembre 2015

Démonstration 15 - Encore le 20 novembre 2015

Qu’est-ce qui va se passer maintenant ? Je vais passer mon week-end à Paris comme prévu, je vais marcher dans les rues avec ma sœur, j’irai probablement à République voir les bougies et les papiers détrempés. J’ai envie de voir ça, je ne sais pas bien pourquoi. Je n’ai pas été à République depuis des années. Je me souviens du 1er mai 2002, Le Pen au second tour de la présidentielle. Pour la manif, j’avais fait un petit panneau Liberté Egalité Fraternité. Dans ces moments-là, c’est le seul symbole national auquel j’adhère vraiment. Je n’ai rien contre le drapeau bleu blanc rouge, je ne le trouve pas très beau, c’est tout. Par contre je ne chante pas la Marseillaise, c’est un chant de haine. Je ne l’ai pas chantée cette fois-ci non plus.

Le 1er mai 2002, on était venu contre la haine, déjà. La haine, toujours. L’humain la porte en lui. Ça doit faire partie de la panoplie de l’évolution, quelque chose en lien avec le groupe. Peut-être que notre survie est liée au groupe, donc si on l’aime ça augmente nos chances de survie. La haine des autres serait alors un effet collatéral de notre amour du groupe. Une sorte de dérapage, un mauvais dosage, un négatif.

Jusqu’ici tout va bien. Le train roule, personne n’a tiré, pas de bombe atomique, ni d’attaque de fourmis géantes carnivores. Mon imagination anxieuse s’éclate dans cette période post-attentats.

J’essaie de réfléchir malgré tout. J’ai mis ce matin sur internet un texte où j’essaie de comprendre certains ressorts des attentats. Comment on en vient à massacrer des gens, en se tuant soi-même aussi ? Je m’étais déjà posé cette question après le 11 septembre. Je tombe sur une réponse simple : du désespoir et de mauvaises rencontres. Les solutions par contre sont compliquées : il faut changer de société. Donner du sens à la vie en sortant de la consommation, renouer les liens sociaux, redonner de l’espoir et de la chaleur humaine, pour que chacun ait l’impression d’appartenir à un groupe.

On pourra m’accuser de dire que les attentats c’est la faute au capitalisme. En quelque sorte, oui. L’égoïsme, l’isolement généralisé, le sentiment de cul-de-sac. On pourra m’accuser de faire de l’angélisme, de tout mélanger. Mais tout est déjà mélangé. Et profondément je ne crois pas qu’on naisse monstre.

Le jour a l’air de vouloir se lever. J’ai toujours été surpris de voir que, lors des grandes catastrophes, la Terre continue de tourner. Quand mon cousin est mort dans un accident de voiture, j’étais stupéfait de voir les bus circuler normalement dans Paris. Et à l’heure où tous ces gens mouraient la semaine dernière, on prenait l’apéro chez nos voisins. On n’a rien senti.

Là je me dis que ce genre de choses arrive quotidiennement en Syrie, en Irak, au Yémen. On ne sent jamais rien mais on ne s’en étonne pas d’habitude. Parce qu’on n’est pas touché, au fond. D’un coup ces horreurs arrivent en bas de chez nous et elles deviennent horribles. Pourquoi pleurer aujourd’hui, alors que je ne connaissais aucune victime, et pas à l’heure de chaque violence, de chaque massacre, jour et nuit ? On ne peut pas vivre en pensant constamment à la douleur du monde. Ça ne fait pas de nous des monstres mais ça ne nous dédouane pas. On devrait s’en préoccuper. Cela dit, honnêtement, j’en ai marre de me préoccuper tout seul. Je donne de l’argent aux associations, oui mais il reste tant de merde à pelleter. Je finis par devenir un râleur. Est-ce que râler ce n’est pas un constat d’échec, le bruit de l’impuissance à arrêter la souffrance ?

Il pleut. Ça fait une semaine qu’il pleut. Non non, le ciel se fout bien de nos malheurs, c’est juste une perturbation atmosphérique. Le ciel c’est une vue panoramique sur le vide. C’est pas facile de rester rationnel en ce moment.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire