Germain
est laid. Il est lourd aussi. Il est rouge, marqué d’une petite
croix blanche qui pourrait être élégante mais il est affublé de
toutes sortes d’affûtiaux saugrenus, qui lui font sur les flancs
des protubérances et des renflements.
Cela
dit, Germain est très fier de son apparence : il ne
s’embarrasse pas des poncifs dominants sur la sveltesse. Il exhibe
sa livrée vermillon avec orgueil et répète que l’essentiel,
c’est d’être un bon outil. De fait, il est indispensable à son
propriétaire, qui le sort pour un oui ou pour un non, pour se curer
les ongles et ouvrir sa boîte de maïs, scier une branchette ou
revisser une bricole.
La
grande terreur de Germain dans la vie est d’être perdu. C’est
pourquoi il vérifie plusieurs fois par jour la cordelette qui le lie
au pantalon. Quand le nœud commence à bâiller, Germain fait
claquer sa lame pour attirer l’attention du patron. Le problème
c’est que le patron commence à devenir un peu sourd, c’est
malheureusement fréquent dans l’artillerie.
Par
ailleurs, ce que Germain déteste, c’est la saleté. Le thon, en
particulier, est une calamité : l’huile, passe encore, c’est
plutôt agréable dans les jointures, mais les miettes molles qui
viennent s’accumuler au fond des rainures, c’est tout bonnement
dégueulasse. Dans ces cas-là, rien ne vaut un bon coup de brosse à
dents au savon noir.
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