A partir de
2013, l'hypothèse commença à se répandre parmi les biologistes.
Au début, le pouvoir tenta d'étouffer la rumeur. Certains grands
scientifiques disparurent mystérieusement à cette époque, on fit
même croire à la mort naturelle d'Albert Jacquard. Mais ce fut
peine perdue et l'information finit par filtrer : beaucoup
d'humains sont des chimères, portant plusieurs ADN différents. De
nombreuses mères en particulier portent celui de leurs enfants en
plus du leur.
Quand Ségolène
Royal fit son coming-out sur le sujet, on n'y fit pas trop attention.
Mais d'autres célébrités suivirent, dont, pour certaines, on
doutait qu'elles eussent même un seul ADN complet. Finalement l'idée
fut largement relayée par la presse.
Ce fut un
cataclysme. Si chacun pouvait porter plusieurs ADN, la médecine
légale perdait un de ses outils d'identification les plus fiables :
la diffusion de la série « Les experts » fut stoppée
net dans un gigantesque scandale, au motif que ça n'était « plus
crédible ». Des centaines de prisonniers virent leurs dossiers
rouverts, ce qui acheva d'engorger le système judiciaire.
Mais surtout, la
découverte acheva de brouiller l'identité : si nous gardons en
nous un peu de notre mère, si les deux kilos de microbes que nous
avons dans le ventre font partie de nous, si nous portons des
prothèses sous la peau, l'humain ne colle plus à l'image simple
d'un sac étanche dont le mode d'emploi est enregistré sur ADN.
Que sommes-nous
alors ? Une ville avec des entrées et des sorties, des bouchons
et des espaces verts, des glissements de terrain et des zones
industrielles ? Un biotope avec des centaines d'espèces, comme
un paysage de moyenne montagne ? Un métaréseau
chimio-électro-psychologique ?
Le penseur
prothète Bernabé Fakebum résuma ces doutes dans sa légendaire
formule : « La seule certitude désormais, c'est que
l'humain est une construction bioculturelle. »
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