En 2013 on
réalisa la première greffe de microbiote. Une patiente avait
l'intestin envahi par une bactérie virulente, qui mettait sa vie en
danger. Les médecins décidèrent donc d'exterminer toute forme de
vie dans le tube digestif à l'aide d'un puissant traitement
antibiotique, puis de réinstaller dans l'intestin une population
microbienne équilibrée. Concrètement, la patiente reçut une
greffe de merde par sonde nasale. Sa bru fit le don de bon cœur.
L'opération fut
couronnée de succès et, après quelques années, la pratique se
répandit sur toute la planète. En parallèle, les progrès des
analyses biologiques massives aidèrent à mieux comprendre la
composition et le fonctionnement de la mégapole microbienne que
chaque humain porte en lui. On put même commencer à la façonner.
Des chercheurs
islandais prélevèrent notamment des microbes dans la panse
d'animaux réputés pour leurs performances digestives, vaches, vers,
phasmes, et les administrèrent à des patients incurables, à titre
d'essai de la dernière chance. Les résultats dépassèrent leurs
espérances : non content de sauver les patients, le procédé
fit émerger de nouvelles capacités. Le mot « omnivore »
prit tout son sens : grâce à ces progrès, il devint possible
de se nourrir de terre, de déchets bruts, d'eau de mer. La faim dans
le monde recula, et la pollution aussi.
Cependant, il y
eut quelques surprises, du fait de transferts de gènes inattendus
entre ces nouveaux microbes et les greffés. Ainsi, la moitié de la
population islandaise mourut mystérieusement pendant l'hiver 2032,
jusqu'à ce qu'on comprenne qu'il s'agissait de la roséole du
lombric. En contrepartie, la nouvelle digestion longue des herbacées,
calquée sur celle des bovins, donna lieu à d'abondantes flatulences
riches en méthane, grâce à quoi l'Islande devint un poids lourd de
la production énergétique mondiale.
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