En
2051, le Parlement européen finit par autoriser le clonage à des
fins reproductives. Pour André, ce fut une délivrance. Étant d’un
naturel sauvage, il n’avait jamais trouvé de compagne et
d’ailleurs n’avait aucun penchant pour la copulation. Il se lança
aussitôt dans la procédure de clonage. On lui préleva très
simplement une goutte de salive, puis un œuf anonyme reçut son ADN
et fut implanté dans un utérus lui aussi anonyme, probablement
moldave.
La
naissance eut lieu en janvier 2052 et le bébé fut tout
naturellement appelé André Junior. Dès son arrivée, toute la vie
d’André tourna autour de lui. Prudent, André avait vérifié
auprès de sa propre mère qu’il avait été un bébé facile :
à cinquante ans passés, il ne se sentait pas le courage de se lever
la nuit pendant des mois.
Ses
espoirs furent déçus : Junior était d’un naturel agité et
pleurait beaucoup. Il ne fit ses nuits qu’à dix mois puis enchaîna
les cauchemars pendant plusieurs années.
Bien
sûr, il ressemblait énormément physiquement à son père, malgré
un teint de peau plus clair, et il était comme lui d’un naturel
volcanique mais taiseux. Cependant, plus les années passaient, plus
leurs chemins divergeaient. André, qui rêvait de partager ses
passions, philatélie, héraldique, football gaélique, vit avec
désespoir son fils tomber dans le rugby à treize et le théâtre
contemporain. Junior en particulier négligeait la cuisine japonaise
dont André raffolait, lui préférant le bortsch.
Puis
un jour Junior disparut, laissant un mot disant qu’il partait à la
recherche de sa mère et que désormais il s’appelait Andrzej.
Alors André, souriant entre ses larmes, se souvint avec émotion
comme il avait quitté précipitamment le domicile parental à seize
ans.