Prenez l’andouille
fermement en main. Coupez-la en son milieu. Selon sa confection, on y voit une foule de vermisseaux, de plis et replis
intriqués, ou bien un rayonnement
concentrique, menant l’œil vers un centre mystérieux, lui aussi
plein de replis. Sans être parfaitement fractale, l’andouille est
toujours labyrinthique.
Il n’est pas question
ici de défendre le terroir ou le savoir-faire français, gravier
roulé par la déferlante de la mondialisation culturelle. Non, pas
de slogan identitaire dans l’andouille : elle est bien au-delà des
revendications d’une époque, étant de noblesse immémoriale.
L’andouille transcende grave. Avec sa chair faite de tripes, elle tire
parti de toutes les ressources et transforme des déchets en apéro
délicieux. L’andouille est un plaisir né d'un monde de rareté.
Alors l’andouille
sent la merde, oui, mais quand même.
mercredi 19 février 2014
dimanche 9 février 2014
L'anorexie mentale
Noémie
est un génie.
Silencieusement,
dans un recoin de
sa chambrette,
elle a posé à
sa façon les
axiomes d'Euclide et en
a
redémontré les vingt premières branches
annexes.
Pendant ce temps, son père dégoise
au Rotary avec d'autres importants capitaines d'industrie et
sa
mère mitonne des sautés de veau.
Ce matin, Noémie est particulièrement fière, étant venu à bout d'un problème délicat. Sa feuille à la main, elle va voir sa maman à la cuisine et annonce son résultat l’œil brillant. Sa mère lève les yeux aux ciel et rétorque qu'elle ferait mieux d'apprendre le sauté de veau. « Ces choses-là sont pour les savants, sermonne-t-elle, ton père te l'a déjà dit ».
Noémie est meurtrie : encore une fois, sa maman se fiche de sa belle démonstration. Alors, désespérément assoiffée d'amour, la fillette décide de se conformer à ce qu'on attend d'elle.
Grâce à quoi, huit ans plus tard, elle épouse un jeune héritier, qui l'engrosse six fois et la trompe autant. Elle prend elle-même un amant, Léonard Persil, naturaliste au Muséum, mais peine à comprendre ce qu'il lui raconte. Elle fait par ailleurs une épouse terne et une cuisinière médiocre, tandis que le XIXe siècle perd sa plus grande mathématicienne, comète jumelle d'Évariste Gallois, éclipsée par de vieilles lunes.
Ce matin, Noémie est particulièrement fière, étant venu à bout d'un problème délicat. Sa feuille à la main, elle va voir sa maman à la cuisine et annonce son résultat l’œil brillant. Sa mère lève les yeux aux ciel et rétorque qu'elle ferait mieux d'apprendre le sauté de veau. « Ces choses-là sont pour les savants, sermonne-t-elle, ton père te l'a déjà dit ».
Noémie est meurtrie : encore une fois, sa maman se fiche de sa belle démonstration. Alors, désespérément assoiffée d'amour, la fillette décide de se conformer à ce qu'on attend d'elle.
Grâce à quoi, huit ans plus tard, elle épouse un jeune héritier, qui l'engrosse six fois et la trompe autant. Elle prend elle-même un amant, Léonard Persil, naturaliste au Muséum, mais peine à comprendre ce qu'il lui raconte. Elle fait par ailleurs une épouse terne et une cuisinière médiocre, tandis que le XIXe siècle perd sa plus grande mathématicienne, comète jumelle d'Évariste Gallois, éclipsée par de vieilles lunes.
dimanche 2 février 2014
Eloge du tétraèdre
Tétraèdre, tu portes
un nom bien barbare, hérissé d'aspérités. Mais,
sorti d'un esprit limpide, tu planes dans des sphères géométriques
éthérées. Tes formes sont
d'une rare pureté : quatre triangles assemblés en une boîte
primordiale, pyramide parfaite à la simplicité mystique. Ton nom
plein d'R annonçait pourtant cette légèreté.
Mais comme tu nous fais défaut dans notre quotidien ! Où sont les parachutes de Léonard de Vinci ? Où sont les pyramides des civilisations englouties, les Ys, les Atlantides, les Klingons ?
Il ne nous reste de toi que de petits emballages cartonnés au nom encore plus barbare que le tien.
Mais ces briques contiennent du lait sucré. Ainsi, malgré tout, de la graisse, du sucre : tétraèdre, tu gardes en toi le soleil qui nourrit notre viande.
Mais comme tu nous fais défaut dans notre quotidien ! Où sont les parachutes de Léonard de Vinci ? Où sont les pyramides des civilisations englouties, les Ys, les Atlantides, les Klingons ?
Il ne nous reste de toi que de petits emballages cartonnés au nom encore plus barbare que le tien.
Mais ces briques contiennent du lait sucré. Ainsi, malgré tout, de la graisse, du sucre : tétraèdre, tu gardes en toi le soleil qui nourrit notre viande.
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