C'est le matin.
John-John se lève. Quand il pose le pied par terre, il hurle de
douleur : un de ses ongles d'orteil a décidé de lui faire la
peau. Ça fait deux semaines qu'il proteste mais John-John fait la
sourde oreille : chez lui, les ongles incarnés n'ont pas voix au chapitre.
Maintenant l'ongle en a marre
de mariner dans une vieille botte et il s'est lancé dans une guerre
totale. John-John a le pied violet. Il traverse la baraque à
cloche-pied. En voulant éviter la table, il fait un écart, accroche
la sangle de sa carabine, elle tombe, le coup part et fait un trou
dans la porte. Dehors, le chien hurle.
Résolu, John-John
prend une bouteille de tord-boyaux et asperge son pied. Puis il sort
son grand couteau et ouvre sur deux centimètres pour commencer. Un
coulis de pus orangé tombe sur le sol. La pression diminue un peu à
l'intérieur du pied. John-John verse du tord-boyaux dessus, il
hurle.
Puis il emballe tout ça
dans un chiffon sale et s'allonge avec le pied en l'air. Maintenant
il faut attendre mais il n'a pas de livre. Pour s'occuper, il pense à
Rosie, à ses yeux, à la rondeur de son visage, à ses cheveux, à
sa nuque, à ses bras, à ses... non. Il pense à autre chose mais sa
tête et d'autres morceaux de lui pensent toujours à Rosie. Le temps
est long.
Il se réveille alors
que le soir tombe. Il s'est assoupi. Il a froid, il tremble. Le pied
est violet foncé, dur, et douloureux. John-John le prend
personnellement désormais, ce n'est pas un pied qui va lui dicter sa
loi.
Il défait le pansement
sale, prend son arme, ajuste et tue l'orteil. Il hurle. Il refait le
pansement sale, bien serré, finit la bouteille de tord-boyaux et
s'écroule.
Le lendemain, ça fait
toujours mal mais ça dégonfle. John-John se lève et va jeter
l'orteil au chien. Dans le désert on ne gâche pas.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire