Depuis toujours,
José déteste le désordre et la saleté. Ça lui donne des
tremblements spasmodiques. Son enfance est un enfer, qu'il subit
vautré dans la fange au milieu de ses frères et sœurs, sous les
mamelles sordides de sa mère.
Dès qu'il en
est capable, il quitte cette ambiance délétère et va creuser, dans
son coin, un petit nid douillet, tapissé de feuilles fraîches et de
menthe. José ne supporte pas l'haleine fétide du lever.
Tous les soirs,
à son réveil, il débarrasse sa vieille litière et cherche des
feuilles fraîches, toutes de la même espèce et de la même taille.
Puis il les arrange de façon géométrique, superposées comme les
tuiles d'un toit, en rangs serrés partant de l'extérieur de sa
bauge vers le centre. Ensuite il parsème l'ensemble de feuilles de
menthe, là aussi selon un motif régulier. Cette occupation lui
prend une grande partie de la nuit car José n'a pas de mains. Puis,
quand toutes les feuilles sont ordonnées comme il faut, que les
cercles concentriques sont parfaits, il prend sa vieille litière et
l'emporte, assez loin car il n'arrive pas à s'endormir avec l'idée
qu'il y a des saletés alentour.
Enfin il part
chercher à manger. Mais il passe tant de temps à soigner sa couche
que c'est déjà le point du jour. Alors il mange n'importe quoi, des
champignons semi-vénéneux, des sacs plastiques qui traînent dans
le sous-bois, des limaces pleines de pesticides.
José mène une
existence très douloureuse, il est efflanqué et malheureux.
Jusqu'au jour où il rencontre Alexandra, loutre gracieuse,
constamment dans l'eau, le poil parfaitement lisse. Elle lui apprend
une nouvelle forme de propreté, beaucoup moins contraignante. Avec
elle, José devient le plus heureux des sangliers nageurs.
Ce texte est d'une énorme beauté. Et José un chouette prénom pour un sanglier.
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