samedi 31 janvier 2015

Aurélien la chaussette sale

        Ce soir Aurélien est crado. Il a passé une bonne journée, tassé au fond d’un cuir moite, cuisant à l’étouffée dans un bureau surchauffé. Il a maintenant quitté son travail et se détend, jeté nonchalamment sur un fauteuil. Il exhale une odeur pénétrante, qu’il arbore avec fierté, la sueur du travail accompli. 
        Il prend ses camarades un peu de haut : le pantalon est porté plusieurs semaines, la veste aussi, sans parler de la cravate, cette danseuse ! Quelle frivolité. Quant au slip, il est sale aussi, mais de façon si vulgaire. Seule la chaussette trouve le juste équilibre entre le style et le caractère, comme un pont-l’évêque parfait.


mercredi 21 janvier 2015

Alberto la fesse gauche

        Alberto est un jumeau. Plus précisément, un siamois : il traverse l'existence accolé à son frère Eduardo.
        Alberto déteste cordialement son frère. Il le trouve prétentieux et méprisant, parfaitement vain pour tout dire. Il faut reconnaître qu'Eduardo est très fier d'être fesse droite : le cerveau du propriétaire étant gaucher, la droite est le côté dominant, celui de la main qui écrit, du pied qui tire les coups francs.
        Alberto trouve ce raisonnement d'une rare connerie venant d'une fesse : une fesse seule n'est jamais qu'un demi-cul ; en l'espèce l'union fait la force.
        Alberto a bien essayé de faire admettre ce point de vue par son frère mais l'autre ne veut rien entendre, tant il a besoin de se faire valoir. Alors Alberto ronge son frein et, pour emmerder le monde, se couvre d’un érythème virulent. Il prépare même en secret, oh l'attentat, une bonne sciatique dont vous me direz des nouvelles.


mercredi 14 janvier 2015

Elodie la ligne blanche

        Elodie est satisfaite de son sort. Elle déroule son ruban infini sur l’asphalte, aux alentours de Beauvais. Elle s’enorgueillit de la rectitude de son tracé sans compromis, trait continu jusqu’à l’horizon. Elodie se la pète un chouïa et se scandalise quand un poids lourd la souille de ses pneus gras.
        Toutefois, elle porte une blessure secrète : elle regrette de séparer les files. Quelque part elle aurait voulu rapprocher les peuples ou guider les brebis égarées vers la sortie la plus proche. Mais elle se console en se disant qu’elle représente l’autorité et que c’est aussi une mission d’une grande noblesse.