Le portable
d'Ernest est cassé. Il contemple avec désarroi son écran désormais
inexpressif. Ernest ne se considère pas comme un guic, ni comme un
résoxico. Pourtant, à intervalles réguliers il tapote la poche de
son manteau, pour s'assurer qu'il a bien son portable, alors il se souvient
qu'il n'est plus là.
Plusieurs fois
par jour, dans les moments creux, Ernest a envie de faire un petit
jeu. Aligner des bonbons par exemple, ça c'est rigolo, ou bien
lancer des oiseaux fâchés. Il tapote sa poche mais ah oui c'est
vrai.
Il se dit que
c'est une opportunité, finalement, ça lui permet de voir où il en
est avec ces machines. Il se dit que sa vieille savonnette qui fait
juste téléphone et calculatrice est bien suffisante. Il aspire même
au dépouillement, par instants.
Mais la première
chose qu'il fait en rentrant le soir est de brancher son appareil. La
savonnette consomme dix fois moins de batterie que l'autre mais c'est
comme ça, c'est le rituel.
Il se rend
compte aussi qu'il a mal au pouce à faire ses textos à l'antique. A
force de se vautrer dans le confort, ses muscles se sont atrophiés.
C'est comme ça que Rome est tombée, songe-t-il en s'endormant.
En partant au
boulot le lendemain, il passe sur le pont et veut prendre une photo
mais non. Puis il a une idée et veut la noter mais non. Il a un
besoin impérieux de connaître la météo en Ukraine mais non. Il
veut regarder son agenda mais non. Il veut relire Une
charogne de Baudelaire mais non. Il finit la journée
piteusement en appelant sa femme à la maison, pour qu'elle lui
trouve sur internet le magasin qu'il cherche. GPS mais non.
Ces
démangeaisons sont insupportables.
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